Le contrôle et l’imagerie dans les milieux diffusants et biologiques
Une problématique centrale étudiée par plusieurs équipes du GDR est l’imagerie optique profonde en environnement complexe (par ex. les milieux biologiques). Cette imagerie est rendue très difficile par le phénomène de diffusion multiple qui brouille tout signal au-delà de quelques centaines de microns. Même si d’autres techniques, utilisant par exemple les ultrasons, peuvent pénétrer plus profondément, leurs capacités en termes de résolution ou de contraste restent inférieures à la microcopie optique. Depuis la fin des années 2000, les méthodes de ‘façonnage du front d’onde’ ont permis des avancées spectaculaires dans ce domaine. Elles consistent à manipuler le front d’onde pour contrôler la lumière dans le régime de diffusion multiple où aucun photon balistique (ceux utilisés dans les méthodes traditionnelles d’imagerie) n’est disponible. Elles permettent aujourd’hui d’imager avec une résolution inégalée en milieu complexe, de retrouver des objets cachés ou focaliser la lumière sous la limite de diffraction. Même si les techniques de contrôle du front d’onde sont aujourd’hui assez matures, le domaine reste très actif et ne montre pas de signe de ralentissement en termes d’innovation. Au contraire même, il bénéficie actuellement de fortes avancées technologiques récentes dans le domaine des modulateurs digitaux et détecteurs (SLM, caméras ultra-rapides, réseaux de détecteurs à photon unique etc.). Le domaine est également irrigué par la révolution récente de l’IA, avec l’émergence du deep learning qui permet de simplifier voire de limiter les contraintes du façonnage du front d’onde en termes de traitement du signal ou d’algorithmique.L’imagerie optique baséesur des états quantiques, enfin, a récemment émergé et devrait poursuivre sa dynamique dans les prochaines années.
Au plan fondamental, le sujet de la propagation des ondes dans les milieux complexes est au coeur du GDR Complexe. Il vise à développer des outils théoriques, statistiques et numériques pour caractériser le transport ondulatoire dans les milieux désordonnés, structurés ou non linéaires ou les systèmes complexes de la physique quantique. À noter que ces dernières années, de nombreux concepts théoriques des milieux désordonnés ont fortement irrigué le champ pratique, comme la matrice de transmission, l’effet mémoire, les canaux ouverts ou la matrice de Wigner-Smith. Un autre problème fondamental exploré par plusieurs équipes du GDR Complexe est la localisation d’Anderson des ondes. Ce sujet continue de susciter des recherches poussées dans les domaines des systèmes quantiques désordonnés en interaction, de la physique mathématique ou encore dans les systèmes à l’interface ordre-désordre. Au niveau interdisciplinaire, enfin, mentionnons le problème de la diffusion de la lumière dans les milieux denses, où les approches habituelles de la diffusion multiple ne fonctionnent plus et où il faut adopter une vision ‘collective’ de l’interaction de la lumière avec le milieu complexe. Ce sujet est aujourd’hui très étudié dans gaz quantiques d’atomes froids (constituant le milieu désordonné), mais s’avère aussi pertinent dans les matériaux désordonnés plus classiques. Il s’agit d’un exemple typique où le maintien des échanges entre communautés est crucial pour stimuler de nouvelles idées.
La physique quantique analogue avec les ondes en milieu complexe
Depuis 2018, le GdR s’attache à favoriser l’interaction avec des sujets interdisciplinaires autour de la réalisation de systèmes quantiques analogues avec des ondes. L’idée ici est d’exploiter la complexité d’un milieu pour mettre en évidence des phénomènes habituellement rencontrés dans le champ des systèmes quantiques de la matière condensée ou des atomes froids. Récemment, plusieurs équipes du GDR ont par exemple illustré cette idée en considérant lapossibilité de simuler des effets de matériaux topologiques ou de graphène avec de la lumière ou des micro-ondes dans des milieux diélectriques, en exploitant la géométrie de ces derniers et la nature vectorielle de la lumière. Dans un esprit similaire, il a été montré qu’en propageant de la lumière polarisée circulairement dans un milieu présentant du désordre anisotrope, il était possible d’observer un effet Hall de spin optique. Dans les milieux optiques non linéaires, des équipes du GDR ont aussi développé de nombreux travaux mettant en évidence le concept de ‘fluide de lumière’. Ceux-ci sont basés sur l’idée simple qu’un laser se propageant dans un milieu faiblement non linéaire dans la limite paraxiale est décrit par une équation d’onde identique à celle régissant le mouvement d’atomes ultra-froids en physique quantique. À partir de cette analogie, il devient possible d’envisager la mise en évidence de concepts tels que la superfluidité ou la condensation de Bose-Einstein des ondes classiques. Pour terminer, plusieurs équipes du GDR travaillent depuis récemment sur la propagation des ondes dans les milieux dits ‘variables temporellement’, dans lesquels un paramètre du milieu est changé de manière plus ou moins rapide dans le temps. Cette notion est aujourd’hui explorée à la fois théoriquement et expérimentalement. Elle ouvre la voie à la réalisation de systèmes ondulatoires de Floquet et de cristaux temporels, ou encore à la simulation d’effets cosmologiques ou de physique statistique hors d’équilibre.